Demain, il revient. Par la même porte que celle par laquelle il est parti. Quand elle a appris son retour, elle a failli s’évanouir. Son cœur a bondi pour se placer d’un coup juste sous sa gorge, lui coupant le souffle. A un souffle de vaciller, elle était. Son cerveau a blanchi, d’un bruit de clapet.
Ce soir, tout lui revient. Pendant un an, chaque homme de son âge qu’elle croisait, elle avait un coup au cœur. Et si c’était lui ? Ce n’était jamais lui, bien sûr. Il n’y avait aucune raison qu’il revienne, il avait tiré un trait sur cette ville, sur elle, sur l’été, qu’il avait préféré achever à la hache.
Mais il revient quand même.
Essayer de penser à autre chose qu’à demain. Lire les annonces immobilières. Le long d’un caniveau, un monticule de glace pilée. Il n’a pas grêlé, pourtant. En fait, c’est le rebut de l’étal du poissonnier, juste à côté, qui vide ce qu’il reste sur le trottoir, quand il ferme le dimanche midi.
C’est dommage, elle aimait bien l’idée qu’une averse de grêle se soit abattue juste sur cette portion de rue, constellant le bitume de centaines de micro étoiles de glace. Un peu de poésie, comme arrimée sur une planche au milieu d’un océan de gerbe.
Dans le reflet de la vitrine de l’agence, elle se trouve le teint jaune. C’est sûrement le néon. Ou le fait qu’elle ne se soit pas maquillée, aujourd’hui. Elle est fatiguée, les cernes sont marquées. Pour avoir le teint frais sans artifice, c’est difficile maintenant. Elle a vieilli. Elle passe la main sur l’arrière de sa cuisse. C’est ferme, presque dur. Ca la rassure. Le jogging de la matinée a porté ses fruits. Dix kilomètres à une bonne moyenne, record presque battu. Le désespoir, ça met des coussins d’air sous les semelles.