Je ne peux pas

Je ne peux pas

Te crever le coeur

Ni cisailler tes yeux

Au cutter

Alors j’écris le marteau

Pour détruire le silence

Que tu as édifié

Je ne peux pas hurler

Comme une louve

Devant ta porte

Alors j’écris les voix

Que j’envoie aux étoiles

Elles ne se défendent pas

Tu ne m’as pas bien regardée

Tu ne m’as pas bien regardée

J’ai un coeur qui ne bat

Que si le tien va bien

Massif et recousu d’or

Un cul et une rage d’enfer

Je te tiendrai la main jusqu’à la mer

Même si l’on doit plonger

J’ouvre le chemin pour

Ne pas t’éclabousser

Tu ne m’as pas bien regardée

J’ai un rire qui explose

Les silences en obus bruyants

Des recoins vastes comme

Des univers, mais tu n’y viens jamais

J’ai du courage pour toi

Et tous les autres aussi

Un soleil infini et des nuages

Noirs de feu

Qui fondent en un éclair

J’ai des pouvoirs que

Tu ne comprendras jamais

Tu ne m’as pas bien regardée

Les courbettes

Les politesses qu’on se fait

Des courbettes sans intérêt

Ouvrir son cœur semblerait

Un remède à la lâcheté

Il est vrai qu’il est facile

De détourner le profil

Mais mille sourires polis

Ne vaudront jamais un cri

Toutes ces circonvolutions

Des masques pour cœurs grognons

Des linceuls pour les pensées

Perte de temps insensée

Tant d’acrobaties pour rien

Pour se traiter comme des chiens

Sanglés dans ces impostures

Juste le calvaire qui dure

Dans ma maison

Dans ma maison

Pas de bibelots

Qui ne servent à rien

Beaucoup de nuages

Souvent chargés d’eau

Et des portes verrouillées

Derrière si tu savais

Ca déborde de coeur et d’idées

Dans ma maison

Il faut oser entrer

Ne pas avoir peur

De rester

Il y fait doux et chaud

C’est un paradis caché

Pourquoi ne veux-tu pas y entrer ?

L’ombre oblongue

Une ombre oblongue se détachait du soleil. Certains jours, elle était à peine perceptible, formant un halo léger, comme la couronne de l’astre luxuriant.

Mais les jours où elle gagnait la bataille contre les rayons, sa démesure autour de l’étoile brûlante irradiait telle un trou noir, aspirant tout sur son passage.

On ne parlait pas là de l’ombre bienfaisante dont ont besoin les fraises des bois pour rougir et se gorger de sucre ou de celle formée par les persiennes en été sur le parquet des maisons anciennes : on pouvait y glisser un pied, les après-midi paresseux quand on avait dormi comme un chat dans des draps de lin ou fait l’amour sans bruit, pour ne pas troubler la quiétude des lieux.

Il était question ici d’une noirceur tranchante et froide, et dont la rapidité à croître atteignait la vitesse du son. Une ombre portée, large comme les galaxies, poussiéreuse des désespoirs assemblés comme une tumeur en son sein. Une gangue de glaise gluante.

Elle se déployait après avoir dévoré la lumière et englouti la beauté. Puis, sa pesanteur d’enclume s’affadissait, et elle reprenait en un souffle sa place et sa taille, acceptables. Mais elle ne disparaissait jamais.