Je suis allée à Shibuya. J’ai traversé, à Shibuya. J’ai même fait une photo en plein milieu du carrefour avec celle qui était mon amie, alors. Puis, j’ai photographié les pieds et les jambes de toutes celles et ceux qui avaient atteint l’autre rive de cette mer de têtes, de bras, de coudes, de chaussures, qui avaient survécu aux vagues déversoirs de cadres en costume et collégiennes en jupe plissée.
Près de la statue du chien, j’ai pensé à Charlotte et son parapluie transparent, à son spleen aussi épais qu’une tranche de rosbif. Il fusionnait avec le mien, comme je l’avais espéré. Augmenté de la puissance de cette marée de solitudes précipitées, compressées entre deux panneaux publicitaires.
Le silence n’existe pas, à Shibuya. Le vide du vertige emporte tout.
Il faut s’éloigner de deux rues pour voir la vie qui reprend, au son des gouttes de bouillon s’échappant des ramen brunes aspirées par les survivant.es de la lessiveuse, abrités quelques instants derrière la vitre d’un restaurant.
Je n’ai rien trouvé, à Shibuya. Le ciel était rose, mais Bob n’y était pas.