Survit-on à la passion ? Je ne sais pas.
Moi, elle m’a laissée mutilée, m’a arraché le bras gauche, celui qui est relié au coeur.
Vous voyez, aujourd’hui, je vous écris de la main droite. Aucune séquelle de ce côté-ci. Le cerveau a dû jouer son rôle de disjoncteur. Il m’a sauvé la vie. L’hémorragie consécutive à l’arrachage du bras m’aurait été fatale.
Aujourd’hui, mon bras a repoussé. La main, aussi. Les terminaisons nerveuses se sont connectées à nouveau entre elles, ce pour quoi elles ont été créées, quel que soit l’état de la mécanique générale. Elles n’ont que faire de la dévastation, ni du membre fantôme, dont la douleur perdure dans le souvenir, entretenu par des élancements bien réels.
Avant-hier, il a répondu à un message. J’ai ainsi pu vérifier que l’installation qui part de mon épaule fait durablement son office. Le choc électrique du SMS sur l’écran est remonté brutalement en un fluide froid et acide, régénérant. Pervers.
Puis, la désolation.
J’ai un nouveau bras gauche, raccordé à un logiciel éprouvé. La pompe générale demeure dans le désarroi. A en regretter le temps où elle traitait du flux sans emphase, purement utilitaire.
Survit-on à la passion ? Ceux qui en sont morts vous le diront.